dimanche 25 décembre 2011

"Le Père Noël existe, je l'ai rencontré"

CONTE DE NOEL] François Morel nous raconte en exclusivité sa rencontre avec le célèbre homme en rouge. Une interview à raconter.... (parue dans le Journal Sud-Ouest le 25 décembre 2011 )


Depuis des années, j'adressais des demandes pour décrocher une interview du Père Noël. Plusieurs fois, j'avais réussi à obtenir un rendez-vous qui, au dernier moment, avait été annulé. « Le Père Noël est fatigué… Le Père Noël ne souhaite pas communiquer en ce moment… Le Père Noël ne parle pas à la presse régionale… »
Je finissais par penser que le Père Noël était bel et bien une ordure.

Pour donner le change, j'avais même pris contact avec l'attachée de presse de la Petite Souris. Oui, la Petite Souris, sans doute moins médiatisée, moins glorifiée, mais dont la vie n'est pas moins énigmatique. Qui est-elle ? Que cherche-t-elle ? Quelles sont ses motivations ? Quels sont ses rêves ? Oui, qui est-elle vraiment, cette Petite Souris qui passe ses nuits à se faufiler sous des oreillers rebondis afin d'y récupérer de petites dents de lait sanguinolentes ?

Et puis, début décembre, je reçois un appel de Laponie. Une voix féminine… « Le Père Noël accepte de vous recevoir demain à 14 h 30. » J'étais fou de joie ! « Vous êtes bien le correspondant du journal "Sud Ouest" ? » demanda la voix. « En effet, j'y suis grand reporter », répondis-je, fier de ma nouvelle affectation. « Ça vous embêterait de passer par Libourne pour apporter les listes de demandes de cadeaux ? On a eu un petit problème d'acheminement… »

Je comprenais : le Père Noël m'accordait une interview en échange du transport de son courrier.

Le lendemain, à l'heure dite, sur l'épaule un sac boursouflé par le désir et l'espoir de millions d'enfants, je me présentai tout emmitouflé, tout intimidé, devant le chalet du Père Noël. Un hélicoptère m'avait déposé au milieu d'un nulle part enneigé. On entendait bramer les rennes. Près d'un chalet cossu, un traîneau retourné attendait une révision complète avant le périple qui, comme chaque année, s'annonçait long et périlleux.

Le Père Noël est venu lui-même à ma rencontre. Exactement comme on se le représente, habillé de rouge et blanc, barbu, souriant, apaisé, chaleureux. Aussitôt, il m'a dessaisi du sac PTT. « Donnez-moi ça, avec votre sac sur l'épaule on dirait Bernard Kouchner. » Le Père Noël semblait très au fait de la politique française. « Merci, monsieur Morel !, enchaîna-t-il, vous me rendez un grand service ! Comment allez-vous ? Je suis ravi de vous rencontrer, j'ai beaucoup d'admiration pour vous ! » D'orgueil, je rougissais ! Le Père Noël me connaissait personnellement ! Je n'en revenais pas. Bien sûr, comme tout le monde, j'ai un petit nom, mais je n'aurais jamais imaginé que ma notoriété, si immense soit-elle, ait pu atteindre le nord de la péninsule scandinave…

Près du feu de bois, deux fauteuils nous attendaient. Une carafe de vin chaud à la cannelle, déjà entamée, était posée sur une table basse.

Sur le bout de son nez, le Père Noël posa de petites lunettes rouges qui lui donnaient vaguement l'air apaisé d'Eva Joly quand elle n'est pas obligée de discuter avec des socialistes.
La conversation pouvait commencer…

« Père Noël, d'abord, merci d'avoir accepté de me rencontrer. Une première question me vient tout de suite à l'esprit, une question naturelle quand on se trouve devant un homme de votre âge toujours en activité : comment vous portez-vous ?

- Pas si mal, jeune homme, pas si mal… Bien sûr, je tremblote, je perds l'équilibre, un petit peu la mémoire, j'ai la vue qui baisse, des problèmes d'articulations, je fais un peu d'ostéoporose, et puis, il y a six mois, je me suis cassé le col du fémur mais, à part ça, tout va bien. Enfin quoi, j'ai tous les petits problèmes inhérents à une personne de mon âge. Mais je fais partie des vieux qui sont encore là, qui ne baissent pas la garde et dont on aura du mal à se débarrasser. Allez-y, vous les novices, les juniors, les blancs-becs, les morveux, allez-y, essayez de faire le tour du monde en une nuit ! Fai tes de l'escalade ! Introduisez-vous dans des cheminées pas toujours ramonées… Même la Mère Noël trouve que ce n'est plus de mon âge. Il n'y aurait qu'elle à décider, j'aime autant vous dire qu'on serait depuis longtemps sur une plage des Bahamas en train de se dorer la pilule et de se faire des "têtes au nord".

- Pardon ?

- Tête au nord : sudoku ! »

Le Père Noël partit dans un grand éclat de rire qui dégénéra en quinte de toux. Ses joues devinrent aussi rouges que sa houppelande. Comme une furie, la Mère Noël apparut pour lui administrer dans le dos une grande claque réparatrice puis aussitôt disparut.

Le visage de la Mère Noël ne m'était pas inconnu… Le Père Noël s'amusa de mon trouble. Cette femme, j'étais certain de l'avoir déjà vue…

« Vous vous demandez qui c'est ? C'est vrai qu'avec son bonnet en laine on ne la reconnaît pas tout de suite… C'est Geneviève de Fontenay. On s'est mis en ménage depuis son éviction des Miss. Vous savez que la consolation, c'est mon petit créneau à moi ! Quand elle est arrivée, je lui ai expliqué que, étant donné la température, son chapeau et ses tailleurs n'étaient pas adéquats. Enfin, on s'entend bien ! Pas toujours commode, la Geneviève, mais elle sait tenir un chalet ! Et puis, elle est un peu devenue directrice artistique, essentiellement pour les panoplies de poupée. Enfin, son principal boulot, c'est surtout de faire rallonger les jupes. »

Voyant mon trouble et ma totale stupéfaction, le Père Noël me servit un troisième grand verre de vin chaud.

« Père Noël, vous êtes une référence pour de nombreux enfants dans le monde. Quel est le principal message que vous voudriez transmettre ?

- Bah, le message habituel, quoi… solidarité, entraide, machin, tout ça… enfin, tout ce qu'on dit dans ces cas-là… Je vous ressers un peu de vin chaud ? »

J'acquiesçai. L'ambiance était douce. Les vapeurs alcoolisées embrumaient légèrement mon esprit cotonneux. Pendant le voyage, j'avais préparé tout un tas de questions. Je voulais savoir pourquoi le Père Noël continuait à déposer des armes, des fusils, des revolvers au pied des sapins. Pourquoi les enfants des pays riches étaient tellement favorisés par rapport à ceux des pays pauvres. Je voulais savoir ce que le Père Noël pensait des délocalisations… ces usines de jouets qui existaient dans les pays occidentaux et ont été déplacées vers la Chine. Et puis, aujourd'hui, ces usines chinoises qui sont délocalisées vers le Bangladesh, vers le Vietnam, où la main-d'œuvre est encore moins chère. On trouve toujours plus petit que soi… On trouve toujours plus mal payé, plus fragile, plus malheureux, plus exploitable…

Oui, j'avais beaucoup de questions à poser au Père Noël, mais je ne m'en suis pas senti le courage… Je suis le pire reporter jamais connu. Le plus mauvais envoyé spécial.

Le Père Noël a demandé à quelques trolls de remettre en marche son traîneau turbo 16 soupapes, nous avons fait un petit voyage à travers les merveilleux paysages de la taïga lapone, il m'a fait visiter son élevage de rennes. Nous croisâmes quelques ours bruns, quelques lapins arctiques et, au moment de nous quitter, il a voulu me faire un cadeau : le chic chapeau noir et blanc de Geneviève, inutile dans ces froides contrées.

Sur le chemin du retour, un peu parce que j'avais un creux, un peu pour me punir de mes piètres talents de journaliste, j'ai mangé le chapeau superflu.

C'est vrai, je ne fus pas très intrépide dans mon questionnement. Je fus même légèrement complaisant, peut-être un peu lâche.

Entre nous, je crois que j'avais encore envie de croire au Père Noël.

samedi 8 octobre 2011

Dionysos, ou l’ivresse sacrée

Dionysos est un tard venu parmi les habitants du mont de l’Olympe… Et ses mœurs ne sont guère celles des autres divinités grecques, quelque fantasques que ces dernières puissent être parfois… On sait que ce lieu résonne parfois du bruit de querelles épiques, et que rien de ce qui est humain n’y est tout à fait étranger, si ce n’est la mort. Oui, de ce qui parvient à l’oreille des poètes à propos de la vie des Immortels, il y a parfois d’incroyables histoires d’amour cachées et de jalousie, des coups tordus même et des vengeances tant et plus, qui prennent souvent une tournure loufoque. Héphaïstos, le dieu des forges, en sait quelque chose, par exemple, et à ses dépens… 

C’est que l’Olympe est un endroit où il se passe des choses et le rire, dont on dit qu’il est le propre de l’homme, n’y est pas du tout absent. Mais avec Dionysos, c’est différent : ce dieu a quelque chose d’étrange, de marginal, dirait-on. Et pourtant, sa place dans le panthéon grec, elle, n’a rien de marginal. Pour le comprendre, il faut considérer un moment ce que l’Olympe représente, par-delà cet aspect léger auquel nous venons de faire allusion.

Avec Zeus à sa tête, l’Olympe symbolise le triomphe des dieux sur les Titans, tel que Hésiode nous en fait le récit dans sa Théogonie, et tel que ce récit continue d’être rapporté après lui par maints poètes et aèdes chantant à travers les cités de la Grèce. Or, les Titans représentent les puissances nocturnes du chaos. Ils sont les incarnations du gouffre sans fond auquel le cosmos, dans son harmonie céleste, va s’arracher au prix d’une haute lutte. Les dieux, avant de constituer des êtres auxquels on présente offrandes et sacrifices dans les temples aux majestueuses colonnes sont, malgré leurs mœurs qui surprennent, ces puissances valeureuses et audacieuses grâce auxquelles le monde sort de la domination du désordre initial, pour qu’advienne par lui et en lui cette chose étrange qu’on appelle beauté.

La beauté advient dans le monde au terme et en couronnement de cette lutte incertaine entre des forces primordiales, lorsque les puissances brutes et brutales de l’informe, jaillies de l’abîme, sont vaincues par les puissances de l’harmonie cosmique dont l’arme propre est la ruse, la patience, mais aussi l’action intrépide et foudroyante, dont Zeus est l’incarnation. Elle advient et, dès lors, le monde lui-même est traversé de cette beauté qui devient la norme subtile dont dépend son essence.

Mais la victoire elle-même se doit d’être conforme aux exigences du beau, éloignée de toute barbarie. C’est, à vrai dire, le grand péril de toute victoire, d’être entraînée dans les excès de son propre triomphe et de retomber ainsi dans une figure qui relève déjà de la laideur.

Le «génie» des habitants de l’Olympe, pour conjurer la laideur qui ouvre secrètement la porte aux puissances de l’abîme, a été de prendre les devants en faisant une place parmi eux à un dieu qui porte en lui le désordre cosmique, la folie du monde pour ainsi dire. Par ce geste, ils font acte d’ouverture envers tout ce qui est étrange… Par ce geste, ils confèrent aussi à la beauté une dimension de profondeur et d’ivresse.

La beauté se fane, en effet, lorsqu’elle rejette loin d’elle ce qui est difforme, ce qui contrevient à ses normes: elle meurt de son « clacissisme » ! Elle vit au contraire lorsque, par un mouvement de retour vers ce dont elle a émergé, elle s’ouvre à lui dans un geste magnanime : non pas certes pour le laisser la contaminer, mais pour l’apprivoiser et pour le transpercer de son charme.

Dionysos est au cœur de ce paradoxe, qui est lui-même au cœur de toute civilisation : l’ordre bascule dans le désordre lorsqu’il cherche à bannir le désordre. Il triomphe au contraire et rayonne lorsque, en son sein, et à partir d’une libre et généreuse initiative, il fait une place au désordre, mais sans jamais céder à son ordre: ce qui s’appelle le tolérer sans s’y soumettre.

La présence de Dionysos dans l’Olympe, parmi les dieux plus «normaux», est donc le gage que les dieux se prémunissent contre la barbarie d’un ordre cosmique qui deviendrait tyrannique, n’admettant rien en lui qui ne soit conforme à sa norme. Mais cela n’a pas grand-chose à voir avec ce qu’on pourrait appeler une morale de l’acceptation de l’autre dans sa différence.

Dionysos est le dieu de l’ivresse. C’est comme cela qu’il se fera connaître plus tard, surtout lorsqu’il sera adopté par la religion romaine sous le nom de Bacchus. Mais, à vrai dire, l’ivresse dont il est question n’est pas exactement celle des buveurs de vin, comme on le pense habituellement. Elle est ivresse de l’abîme, pour commencer : ce lieu qui est sans forme, qui n’offre aucune prise à la pensée, où tout est indistinct, le même et l’autre se confondant dans un espace sans limites, mais dont la profondeur séduit en vertu d’une obscure nostalgie… 

Toutefois, elle est aussi, et dans le même temps, ivresse de savoir qu’on échappe à la destruction de cet abîme et, surtout, qu’on en est victorieux par la grâce des dieux… Deux ivresses opposées en quelque sorte ! Mais deux ivresses qui n’en font qu’une, car elles se nourrissent l’une de l’autre. Deux ivresses qui font elles-mêmes la nature hybride de Dionysos : par son père, un dieu immortel parmi les Immortels et, par sa mère, la mortelle Sémélé, un être de souffrance, mêlé à la nature, à la terre et à son énergie sauvage. D’où le tigre, qui est son emblème et sur lequel on le représente le chevauchant.

Si Dionysos est donc le dieu qui est le garant de la tolérance – tolérance à l’égard de l’étrange et de l’étranger aussi – il s’agit d’une tolérance périlleuse, au sens positif du terme : elle place au bord du gouffre, ouvre l’abîme, laisse sa puissance sauvage traverser l’âme au point de menacer de la faire basculer. Elle fait cela mais, dans un mouvement qui répète la lutte inaugurale entre les Titans et les dieux, elle restitue l’acte de triomphe dans sa virginité première, cette victoire par quoi advient la beauté dans le monde et par quoi le monde devient de ce fait objet d’un amour infini… Naissance du monde, beauté du monde !

C’est dans cette tension extrême entre l’imminence du péril face à l’abîme et la conscience exaltée et triomphante de la victoire sur l’abîme qu’advient donc cette ivresse dionysiaque : une ivresse sacrée, qui est la réponse grecque à la mort, avant d’être une quelconque façon de noyer sa conscience dans l’oubli ou de retrouver sa bonne humeur par-delà les soucis.

Car cette ivresse sacrée, offerte aux hommes par Dionysos, comme le feu l’a été par Prométhée, est ce par quoi l’homme a part à la vie des dieux… et se donne le moyen de leur subtiliser leur immortalité, sans qu’ils n’y trouvent d’ailleurs rien à redire. Mais… chut ! La beauté, dont nous avons l’amour en partage, n’aime pas qu’on le crie sur les toits !

Auteur : Raouf SEDDIK, La Presse de Tunisie, le : 07-10-2011

dimanche 25 janvier 2009

Comment se développe un nuage brun mortel sur l'Asie

Posté par Michel le Dimanche 25 Janvier 2009 sur Techno-science.net

Durant l'hiver, un énorme "nuage brun" de pollution stagne sur l'Asie du Sud et l'océan Indien, et les chercheurs se demandent depuis longtemps de quoi est-il exactement fait: de la suie venant de la combustion de la biomasse ou de celle des énergies fossiles ?

Il est maintenant clair, indiquent des scientifiques, que la suie vient principalement de la biomasse, de matières organiques comme le bois et le fumier. Ce résultat signifie que le contrôle de cette combustion, notamment celle à petite échelle qui sert au chauffage et à la cuisine dans les maisons, sera un élément important pour atténuer les conséquences climatiques et pour améliorer la qualité de l'air dans la région.

Örjan Gustafsson, de l'Université de Stockholm, et ses collègues ont effectué des mesures de radiocarbone des particules de suie atmosphérique recueillies au sommet d'une montagne dans l'ouest de l'Inde et aussi sur une île des Maldives pour découvrir que la combustion de la biomasse contribue pour facilement deux tiers à la suie du nuage brun.

Cette découverte permet d'orienter les actions à venir pour tenter de réduire l'apparition de ce nuage brun et montre qu'il ne faudra pas limiter les efforts à la circulation automobile et aux centrales thermiques à charbon. Les auteurs recommandent plutôt de s'attaquer à la pauvreté et de diffuser les technologies vertes appropriées à l'Inde pour limiter les émissions de suie faites par l'utilisation de biomasse à petite échelle. La suie du nuage brun est cancérigène et elle est, par les maladies respiratoires et cardiovasculaires qu'elle provoque, directement responsable du décès de beaucoup de gens en Chine et en Inde. Cependant, les particules de suie du nuage brun ne résidant dans l'atmosphère que quelques jours ou semaines après leur émission, on peut espérer une réponse rapide du climat lorsque ce problème sera réglé.

Source: AAAS, Science & EurekaAlert
Illustration: Wikipedia

mercredi 21 janvier 2009

Le Président Obama engage les Etats-Unis à changer de modèle énergétique

Agnès SINAI, Actu-Environnement.com - 21/01/2009

Dans son discours d'investiture prononcé le 20 janvier, Barack Obama a souligné l’importance de développer les énergies nouvelles sur le territoire américain, plutôt que de continuer à exercer une mainmise sur les ressources naturelles du reste de la planète : Nous dompterons le soleil, le vent et le sol pour faire avancer nos automobiles et tourner nos usines.

Sans le dire explicitement, il a établi un lien entre la crise, la guerre et l’addiction pétrolière des Etats-Unis : Nul n'ignore que nous sommes au beau milieu d'une crise. (…) chaque jour apporte de nouvelles preuves que la façon dont nous utilisons l'énergie renforce nos adversaires et menace notre planète.

Une nouvelle ère s’annonce, qui s’illustrera par le retour des Etats-Unis sur la scène des négociations climatiques : Avec de vieux amis et d'anciens ennemis, nous allons travailler inlassablement pour réduire la menace nucléaire et faire reculer le spectre du réchauffement de la planète. Car le temps du déni est révolu : nous redonnerons à la science la place qu'elle mérite , a déclaré le président, qui vient de nommer Stephen Chu, prix Nobel de chimie, à la tête du département de l’énergie.

L’isolationnisme environnemental des Etats-Unis n’est plus de mise : A ces pays qui comme le nôtre bénéficient d'une relative abondance, nous disons que nous ne pouvons plus nous permettre d'être indifférents aux souffrances à l'extérieur de nos frontières, ni consommer les ressources planétaires sans nous soucier des conséquences. En effet, le monde a changé et nous devons évoluer avec lui.

L’Amérique de Barack Obama sait qu’elle a une dette écologique vis-à-vis du reste de la planète. Une politique énergétique moins prédatrice sera un facteur supplémentaire de paix dans le monde.

lundi 24 novembre 2008

Chine, l'empire pollueur


Enviro2B.com le 24/11/08

Par Marc Mangin, journaliste et photographe.


Il suit l’actualité économique asiatique depuis plus de vingt ans et l’actualité économique chinoise depuis une quinzaine d’années. Ses voyages fréquents et réguliers dans l’empire du Milieu en font un observateur averti. "Chine, l’empire pollueur", publié aux éditions Arthaud est son septième ouvrage.

La Chine est le plus gros pollueur de la planète en termes d’émissions de CO2. C’est une affaire entendue. Pour autant, ramené à la taille de sa population, ce n’est pas vrai. Un Chinois pollue deux fois moins qu’un Américain. Que faut-il en conclure ? Que le pire reste à venir ou que le pire peut encore être évité ?

Si procès doit être fait à la Chine, au moins qu’il soit équitable. La République populaire a fait ce qu’elle a pu, comme elle a pu, accumulant des erreurs aux conséquences dramatiques, tant pour sa population que pour son environnement. Mise au ban des nations à partir de 1949 en raison des risques de contamination aux idéaux communistes qu’elle faisait courir, la Chine a été livrée à elle-même, ne pouvant compter dans un premier temps que sur l’aide du grand frère soviétique. Au terme des trente années que dura le délire maoïste, elle ne pouvait plus que s’ouvrir au monde. Et comme le monde n’attendait que cela, les choses allèrent vite.

Entre les deux chocs pétroliers, la Chine s’est « éveillée », pour reprendre la métaphore d’Alain Peyrefitte, en offrant à l’industrie occidentale de re-localiser sur son territoire les activités à forte concentration de main-d’œuvre. Les autorités de Pékin y voyaient un bon moyen de reclasser les dizaines de millions d’ouvriers inemployés par le secteur d’Etat qui menaçaient de faire voler en éclat la paix sociale ; l’économie libérale y trouvait pour sa part l’occasion de faire chuter ses coûts de production et envoler les bénéfices de ses actionnaires. La mise à disposition de la main d’œuvre chinoise a largement contribué à cette transition d’une économie jusque-là tributaire de la consommation vers une économie tendue vers les profits et la spéculation.

La Chine, devenue « l’usine du monde », pollue donc aujourd’hui autant que les Etats-Unis. Elle n’en demeure toujours pas moins un pays en voie de développement dans lequel plus des deux tiers de la population vivent en milieu rural avec un revenu à peine suffisant pour assurer sa subsistance quotidienne.

La concentration en Chine des activités industrielles et le développement en lui-même du pays ont atteint aujourd’hui un seuil critique lourd de menaces pour l’avenir. Obsédée par la question alimentaire, la Chine a, depuis longtemps déjà, appauvri son sol : la déforestation, pour accroître les surfaces cultivables ; l’emploi massif d’engrais et de pesticides ont ravagé la couverture végétale, durablement contaminé les sols et les réserves aquifères, asséché une grande partie des réserves d’eau. Avant même l’afflux de capitaux étrangers, la Chine était un pays en voie de désertification. Les rafales de vent portent déjà les sables du désert de Gobi sur la capitale et même au-delà, la péninsule coréenne quand ce n’est pas l’archipel nippon.

L’industrialisation du pays, qui s’est accompagnée d’une urbanisation croissante et d’une indéniable amélioration des conditions de vie a, elle, un impact visible : la pollution atmosphérique. La Chine reste un pays pauvre pour qui l’emploi de sa main-d’œuvre pléthorique passe avant les questions d’environnement. En Chine, on préfère encore une cimenterie archaïque, mais qui emploie plusieurs centaines d’ouvriers, à une unité de production ultramoderne qui n’en emploierait que quelques dizaines. De la même manière, les revenus de l’immense majorité des Chinois ne leur permettraient pas d’acheter une énergie propre, très chère à produire. La Chine se contente donc, pour produire son électricité, de brûler du charbon, souvent de piètre qualité. Et l’on ne parlera pas du développement des transports individuels.

Le développement de la Chine de ces trente dernières années montre finalement les limites du modèle de développement qui se reproduit depuis la révolution industrielle en Europe, au XIXe siècle. Personne n’ose imaginer en effet ce qu’il adviendrait de la planète si la Chine se mettait à consommer dans les mêmes proportions que l’Occident ! Deux planètes ne suffiraient pas à lui fournir l’énergie nécessaire.

La Chine, en tous cas ses dirigeants, ne sous-estiment pas les dangers qui les guettent et, à travers eux, guettent l’ensemble de la planète. La Chine a montré, à l’occasion des Jeux olympiques de Pékin, que la pollution la plus visible, n’était pas nécessairement éternelle. Tout n’est qu’une question de temps et la Chine a, face au temps, un rapport singulier qui fait défaut aux Occidentaux. Si ces derniers raisonnent davantage à court terme, profit immédiat oblige, les Chinois s’inscrivent dans une durée qui les dépasse. Les difficultés d’aujourd’hui sont acceptables si elles augurent le bien-être de demain. L’homme et la nature ne forment-ils pas un tout ?

Probablement consciente que « concentration » rime avec « extermination » comme les Européens devraient s’en souvenir, la Chine ne semble pas figée à l’intérieur de ses frontières. Elle ne l’a d’ailleurs jamais été, Tibétains et Ouïghours, pour ne rester que dans une période récente, peuvent en témoigner. « La Chine, comme disait l’autre, c’est là où les Chinois font des affaires ! »

Depuis quelques temps, mais surtout depuis son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce, la Chine s’internationalise à visage découvert. Elle prend des positions dans trois domaines stratégiques : l’énergie et les matières premières, l’agroalimentaire et la finance. Elle assure ainsi son indépendance énergétique, alimentaire et financière. On comprendra dès lors assez vite qu’en cette période où, dans ces trois domaines, le monde occidental vit sa plus grave crise de tous les temps, la Chine se trouve dans une position maîtresse. Ses réserves en devises, par exemple, lui permettraient si nécessaire de se payer l’intégralité de la récolte américaine de céréales à deux fois son cours ! C’est vers elle, entre autres, que la communauté financière se tourne aujourd’hui pour assurer sa survie après le krach de ces derniers mois.

On peut évidemment se contenter de ne voir que les erreurs de la Chine et leur résultat environnemental. En replaçant en revanche le bilan dans son contexte, historique, politique et culturel, et sans présager de ce que sera l’avenir, la Chine nous fait douter de la pertinence du modèle de développement occidental.

mardi 9 septembre 2008

EDVIGE is Watching you

Les opposants à Edvige recourent à l'humour pour le combattre

Les associations et les centrales syndicales qui demandent la suppression du fichier de police Edvige prévoient une journée d'action le 16 octobre, jour de la Sainte-Edwige, et appellent leurs partisans à noyer le ministère de l'Intérieur sous les courriers.

Leurs représentants ont présenté mardi une parodie de cette fiche de police, qu'ils appellent à remplir et envoyer au ministère, avec la réponse à des questions telles que : "Avez-vous été au cours de votre existence en contact avec un autre être humain ?".

Le 16 octobre sera l'occasion de "faire sa fête" à ce fichier, ont-ils dit lors d'une conférence de presse, promettant une série d'actions dont ils se refusent à dévoiler le détail.

Les protestataires disent avoir réuni plus de 130.000 signatures sur leur site http://www.nonaedvige.ras.eu.org. La contestation enfle depuis la rentrée sur ce fichier de police créé par un décret paru au Journal officiel le 1er juillet.

Edvige recensera les personnes "ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif" et celles qui "en raison de leur activité individuelle ou collective sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public", y compris les mineurs.

"Se mobiliser contre Edvige, c'est se mobiliser contre le contrôle de toute la population", a dit lors de la conférence de presse Agnès Nahon, secrétaire confédérale de la CGT.

Pour le président de la Ligue des droits de l'homme, Jean-Pierre Dubois, ce fichier marque "le basculement vers une société de surveillance".

Edvige, dit-il, recensera davantage de personnes que son prédécesseur, qui était au service des Renseignements généraux depuis 1991, car les critères d'âge (on peut recenser à partir de 13 ans) sont plus larges, ainsi que les conditions. La notion de personne susceptible de porter atteinte à l'ordre public, jugée vague, est plus large qu'avant, ajoute-t-il.

Une douzaine d'organisations et de particuliers ont déposé un recours auprès du Conseil d'Etat pour obtenir l'annulation de la création de ce fichier. Ces recours seront examinés en décembre et la décision est attendue avant la fin de l'année.

Thierry Lévêque, édité par Gilles Trequesser